Les maladies infectieuses figurent parmi les principales causes du déclin mondial actuel des amphibiens et des reptiles. La Bourgogne-Franche-Comté n’est pas épargnée ; le premier cas de Ranavirus documenté en France l’a été dans le département du Jura en 2011. Plus récemment, le premier cas connu en France d’infection au champignon Ophydiomyces ophidiicola (O.o) responsable de la maladie fongique des serpents (Snake Fungal Disease, SFD ou Ophidiomycose), l’a été en 2021 en moyenne vallée du Doubs sur un individu de couleuvre vipérine.
Étudié pour la première fois en milieu sauvage aux États-Unis en 2008, le champignon Ophidiomyces ophidiicola (O.o) est aujourd’hui le pathogène fongique connu touchant le plus les serpents en milieu sauvage dans le monde. Il est responsable de l’Ophidiomycose, maladie ayant pour conséquences l’apparition de lésions cutanées allant de simples déformations d’écailles à des ulcérations et des nécroses. Le comportement des animaux est aussi touché.
En Europe, aucune étude n’avait été réalisée en milieu sauvage, jusqu’en 2017, où la preuve de la présence du champignon a alors été rapportée. Entre 2020 et 2022, une étude européenne a eu lieu sous la direction de la thésarde Gaëlle Blanvillain afin de connaître les premières tendances de la maladie. La publication de cette étude est disponible ICI. Il ressort que 80% des serpents testés positifs à O.o présentaient des signes cliniques types ; il existe donc une forte probabilité de trouver des lésions suspectes sur des serpents positifs au champignon.
En France, les serpents testés positifs au champignon ont été échantillonnés en Franche-Comté par la LPO BFC. En effet, suite à la découverte du champignon pathogène lors d'un plan de captivité dédié à la couleuvre vipérine en 2021, la LPO BFC s’est rapprochée de Gaelle Blanvillain afin d’étudier O.o sur son territoire. Un plan d'échantillonnage global a ainsi été réalisé en 2022 et 2023 pour améliorer la connaissance des espèces touchées et de la répartition du pathogène. La carte ci-dessous illustre via les points noirs l’intégralité des sites où le pathogène a été recherché suite à l’analyse de 407 échantillons (44 sites en 2022 où 133 individus sauvages ont été échantillonnés et 29 sites en 2023 où 187 individus sauvages ont été échantillonnés). Toutes les espèces présentes dans la région ont été testées.
Cartographie des résultats de la recherche du champignon O.o responsable de l’Ophydiomycose en Franche-Comté en 2022 et en 2023 © LPO BFC, 2023
Les croix désignent les 15 serpents sauvages (7 individus de couleuvre d’Esculape, 2 individus de couleuvre verte et jaune et 6 individus de couleuvre vipérine) testés positifs à O.o, ; en orange pour 2023 et en rose pour 2022. Les carrés représentent quant à eux les individus ayant des signes cliniques similaires à ceux observés sur les animaux positifs à O.o mais dont les analyses par qPCR (PCR quantitative ou PCR en temps réel - de l'anglais : Polymerase Chain Reaction signifant réaction de polymérisation en chaîne) du champignon sont ressorties négatives. Cette campagne d’échantillonnage a permis de démontrer la présence du champignon pour 3 sites en moyenne vallée du Doubs et en vallées Loue/Lison. En parallèle, des signes cliniques typiques ont été observés pour une douzaine de sites sans pour autant ressortir positifs aux analyses. Tous les prélèvements ont été réalisés en parallèle de projets nécessitant la capture des individus. Un protocole sanitaire stricte a été déployé afin d’éviter tout risque de dissémination d’agents pathogènes entre les différents sites et de ne pas contaminer les échantillons.
Pour ce qui est des lésions observées sur le terrain, les individus testés positifs étaient presque tous porteurs de lésions. Celles-ci permettent de montrer que la maladie peut s’exprimer au travers de signes cliniques :
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les photos ont été réalisées dans le cadre d'un suivi scientifique avec dérogation préfectorale et dans la bonne application d'un protocole de biosécurité stricte |
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les photos ont été réalisées dans le cadre d'un suivi scientifique avec dérogation préfectorale et dans la bonne application d'un protocole de biosécurité stricte |
Pour ces animaux lourdement touchés, en plus de ces signes visibles, les individus apparaissent très faibles avec un comportement apathique.
Ces campagnes d’échantillonnage ont également permis d’observer de nombreux individus pour lesquels les prélèvements sont ressortis négatifs à O.o mais qui présentaient des lésions similaires à celles des individus testés positifs à O.o. Ceci soulève plusieurs éléments de réflexion. Une partie de ces lésions peut être expliquée par la présence de faux-négatifs ou encore due à la présence d’autres pathogènes que O.o encore peu ou pas étudiés en milieu sauvage. Ce dernier point demeure l’un des plus important à évaluer afin de vérifier la validité des différents protocoles de biosécurité face à ces agents pathogènes. L’objectif étant de ne pas impacter plus ces espèces qu’elles ne le sont déjà suite à nos missions de terrain.
Quoi qu’il en soit, la remontée d’informations et l’application de règles sanitaires strictes sont primordiales pour lutter efficacement contre cette problématique de manière globale. En tant que naturaliste, nous avons une responsabilité forte afin d’éviter la dissémination des pathogènes, en particulier dans des lieux reculés et riches en biodiversité. Pour cela, le nettoyage systématique de nos chaussures lors de chaque sortie apparaît comme une mesure minimale et acceptable afin d’exercer notre passion tout en limitant notre impact sur les populations.
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Afin de guider au mieux les différents acteurs du territoire dans la prise en compte de cette problématique, la LPO BFC a mis en place un protocole de biosécurité disponible en cliquant sur l'image ou dans la Bibliographie 📚 du volet Reptiles disponible dans le bandeau de gauche. |
Pour toute demande de compléments ou remontées d’informations liées à la problématique des maladies infectieuses de l’herpétofaune, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse suivante : franche-comte@lpo.fr
Pour en savoir plus :
Rédacteur de la page : T. Cuenot (LPO BFC) mise à jour le 17/12/2024